Bail commercial : le bailleur doit garantir la conformité des locaux au regard des règles de l’urbanisme

Une clause du bail commercial qui transfère au preneur le risque tenant à la conformité des locaux aux règles de l’urbanisme, devrait être réputée non écrite

CA Paris, Pôle 1, ch. 10, 16 janvier 2025, n° 24/13704

Obligation de délivrance (rappel)

L’obligation de délivrance est une obligation centrale du contrat. Ainsi, le bailleur doit mettre à disposition un local permettant l’exploitation du preneur. Elle constitue donc à garantir l’exploitation du Preneur, conformément à la destination contractuelle.

Essence même du contrat, elle impose un équilibre. Cet équilibre a deux composantes : la clause peut tout à la fois être aménagée (1720 du Code civil), sans pouvoir être anéantie (1170 du Code civil).

Un anéantissement de l’obligation de délivrance emporte réputé non écrit de la clause. Cette sanction est imprescriptible.

Obligation de délivrance et règles d’urbanisme 

L’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 16 janvier 2025 nous permet d’illustrer ce principe.

En l’espèce, les parties avaient conclu un bail authentique, en 2022. La destination contractuelle des locaux était celle de « commissionnaire de transports ».

Faisant face à des règlements irréguliers de son preneur, le bailleur avait fait pratiquer une première saisie attribution en juillet 2023, sur son compte bancaire. La mesure était partiellement fructueuse.

Une seconde saisie a été diligentée par le bailleur en décembre 2023, qui s’est quant à elle avérée fructueuse pour la totalité de la somme.

Le locataire a donc contesté les deux saisies opérées à son encontre.

En droit, le locataire dénonçait la violation par le bailleur de son obligation de délivrance. En effet, les règles de l’urbanisme en vigueur ne permettaient pas au preneur d’exploiter conformément à la destination contractuelle garantie par le bailleur.

Pour sa part, le bailleur opposait une clause de renonciation à recours sur l’état des locaux au regard des règles de l’urbanisme (et notamment, du PLU). De son point de vue, l’obligation de délivrance était supplétive et aménageable.

Telle n’est pas la position de la Cour d’appel de Paris, qui évoque les arguments suivants :

  • Une telle clause conduirait à exonérer le bailleur de son obligation de délivrance conforme ;
  • Ainsi, la clause d’exonération insérée au bail commercial, serait-il authentique, devrait être réputée non écrite.
  • l’impossibilité juridique d’exploiter, du fait de la contradiction du bail avec les règles d’urbanisme, permet au locataire de se prévaloir du mécanisme de l’exception d’inexécution.

En conséquence, la Cour d’appel de Paris ordonne alors la mainlevée des deux saisies attribution pratiquées par le bailleur

Propos conclusifs 

Cette décision illustre une nouvelle fois les limites des clauses d’exonération du bailleur, tenu par son obligation de délivrance.

A cet égard, les articles 1719 et 1720 du Code civil ne doivent pas être lus de manière isolée. Ils doivent être appréhendés, non au regard des règles du droit spécial des baux commerciaux, mais des règles de droit commun des contrats. En effet, le réputé non écrit existe également au sens des règles du Code civil, et l’article 1170 dudit code en témoigne parfaitement.

Pour conclure, cette décision renvoie, au dehors même de la relation locative, au rôle et à la responsabilité  des professionnels du droit. Et ce, tant dans leurs missions de conseil que dans celles de rédacteurs.

Pour aller plus loin : P. de Plater, Dark Stores et Dark Kitchens – de l’urbanisme au contrat, AJDI 2023. 653.

Lien vers la décision : Décision – Cour d’appel de Paris : RG n°24/13704 | Cour de cassation