Congé reprise pour habiter : motif recevable, congé annulé et QPC

Congé reprise pour habiter

1re instance.

Les bailleurs d’un logement vide à Paris entendent récupérer le bien loué à un couple de locataires. L’objectif poursuivi est d’y loger leur fils afin qu’il bénéficie « d’une scolarité dans un établissement de bon niveau ».

Nul doute que la question du caractère réel et sérieux de la décision de reprise allait provoquer des débats. Les locataires estimaient que le motif n’était pas sérieux, faute d’être étayé par un critère objectif. Il serait au surplus discriminatoire. Ils sollicitent donc l’annulation du congé pour cette raison.

La Cour n’accepta pas de procéder à une analyse sociologique ou comparative des établissements en cause dans chacune des localités, validant le congé, au motif que le choix, pour des parents, d’inscrire leur enfant dans une école ou un collège parisien plutôt que dans l’établissement dont ils dépendent actuellement n’a pas à être remis en cause ni par la justice, ni par les locataires. Il s’agit d’un choix strictement personnel, qui relève de la seule autorité parentale. Ce choix n’est pas critiquable par les preneurs.

La satisfaction des bailleurs ne fut cependant de courte durée.

Appel.

L’un des cotitulaires, de plus de 65 ans à la date d’échéance du contrat, fit valoir que ses ressources étaient inférieures au plafond pour l’attribution des logements locatifs conventionnés. Il se fondait ainsi sur les deux conditions cumulatives de l’article 15 de la loi du 6 juillet 1989 :

Art. 15, III : L’âge du locataire, de la personne à sa charge et celui du bailleur sont appréciés à la date d’échéance du contrat ; le montant de leurs ressources est apprécié à la date de notification du congé.

Un des locataires ayant plus de 65 ans, la question se portait sur le mode de calcul des ressources. Selon la Cour d’appel, l’ensemble des ressources du couple devaient être prises en compte. C’est le revenu fiscal de référence du couple qui comptait et non celui-ci de la personne de plus de 65 ans.

Les bailleurs personnes physiques ne pouvant pas remplir cette condition, le congé était annulé et le bail était reconduit à la date de son échéance.

La situation est très difficile pour le bailleur qui doit alors proposer un logement comparable dans une zone environnante. Il est également tributaire de la situation du logement, dans la zone concernée (et en l’espèce, Paris).

Question prioritaire de constitutionnalité

C’est pour cette raison que les bailleurs, déboutés de leur demande, ont entendu soumettre le litige à la Cour de cassation, dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC). Le Conseil constitutionnel est de cette question par décision du 30 mars 2023 (Cass. civ. 3ème, 30 mars 2023, n°22-21.763).

En effet, la Haute juridiction estime que l’atteinte au droit de propriété du bailleur est disproportionnée :

« dès lors que l’état du marché locatif dans le secteur concerné est susceptible de rendre impossible la soumission par le bailleur personne privée, d’une offre de relogement correspondant aux possibilités de locataires dont les ressources sont inférieures aux plafonds pour l’attribution de logements locatifs conventionnés ».

La décision du Conseil constitutionnel, attendue le 16 mai 2023, pourrait avoir des conséquences importantes sur la pratique du congé reprise.