Redéfinition du champ des actions attitrées du syndicat des copropriétaires

Qui du syndicat ou des copropriétaires ont qualité à agir en justice ?

Résumé : Un copropriétaire peut, lorsque l’atteinte portée aux parties communes par un tiers à la copropriété lui cause un préjudice propre, agir seul pour la faire cesser. Au contraire, il n’a pas qualité à agir en paiement du coût des travaux de remise en état rendus nécessaires par cette atteinte. Il revient au seul syndicat des copropriétaires de percevoir et d’affecter les indemnités à la réalisation de ces travaux.

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Dans une décision qui mérite l’attention, la Cour de cassation paraît vouloir simplifier le critère de distinction entre les actions attitrées du syndicat des copropriétaires et celles pouvant être concurremment exercées par les copropriétaires.

Cas d’espèce et procédure.

En l’espèce, une société avait, en exécution d’un contrat de promotion immobilière, édifié un immeuble. Il était soumis au statut de la copropriété des immeubles bâti et exploité comme résidence-service. L’immeuble, vendu en l’état futur d’achèvement, livré en retard, paraissait présenter des non-conformités et de malfaçons dont se plaignaient des copropriétaires.

Ces copropriétaires avaient assigné en indemnisation de leurs préjudices le promoteur et diverses autres sociétés, assureur, maître d’œuvre de conception, ingénieur, etc. Les demandes portaient tant sur le paiement de travaux de remise en état de parties privatives que communes.

Cette dernière a été jugée irrecevable par la Cour d’appel de Rennes [1]. Elle avait jugé que l’action était attitrée du syndicat des copropriétaires, sur le fondement de l’article 15 de la loi de 1965.

Les copropriétaires ont alors formé un pourvoi en cassation. Ils faisaient grief à l’arrêt d’avoir privé sa décision de base légale au regard de cette disposition. Ils estimaient que les désordres en parties communes leur causaient un préjudice personnel, ce tout particulièrement au regard du statut de résidence service de l’immeuble dont ils avaient donné à bail commercial les lots, ce compris les parties communes afin que l’exploitant puisse jouir de l’ensemble de la résidence. Les désordres empêchant l’exploitation pleine et entière de la résidence, ils estimaient donc leur demande fondée au regard des termes de l’article 15 de la loi du 10 juillet 1965, ce que la Cour d’appel n’aurait pas recherché, comme elle y était invitée.

Position de la Cour de cassation

L’argumentation était bien menée. Elle ne convainc néanmoins pas la Haute juridiction. Sur le fondement des articles 14 et 15 de la loi de 1965, elle rejette le pourvoi. Elle estime en effet, dans ce qui paraît être une décision de principe, que le syndicat des copropriétaires ayant pour objet la conservation de l’immeuble (art. 14), et se voyant attribué qualité pour agir en justice en vue de la sauvegarde des droits afférents à l’immeuble, seule cette personne morale peut agir en paiement du coût des travaux de remise en état des parties communes lorsque l’atteinte est portée par un tiers :

« 7. Il résulte de la combinaison de ces textes que si un copropriétaire peut, lorsque l’atteinte portée aux parties communes, par un tiers à la copropriété, lui cause un préjudice propre, agir seul pour la faire cesser, il n’a pas qualité à agir en paiement du coût des travaux de remise en état rendus nécessaires par cette atteinte, qu’il revient au seul syndicat des copropriétaires de percevoir et d’affecter à la réalisation de ces travaux »

Analyse

La motivation est fine. Ici, la Haute juridiction distingue de manière très pertinente, d’une part, la réparation du préjudice résultant des désordres, préjudice pouvant être propre à chaque copropriétaire, et, d’autre part, l’action en paiement du prix de la réparation des travaux. La première action est naturellement ouverte aux copropriétaires. A l’inverse, la seconde n’est ouverte qu’au syndicat en application des articles 14 et 15 de 1965. La solution paraît justifiée au cas d’espèce. En effet, le remploi de ces sommes sera effectué par le syndicat des copropriétaires et non par les copropriétaires eux-mêmes. En ce sens, la solution ne paraît pas se limiter au seul cas d’espèce. Au contraire, elle nous paraît dépasser cette seule hypothèse. Elle procède ainsi, selon nous, à une heureuse évolution de sa jurisprudence.

Portée

Cette décision s’inscrit dans la lignée de celles qui ont pu précéder en la matière. Elle paraît toutefois altérer sa jurisprudence, relativement casuistique, en modifiant son fondement. Jusqu’alors ce qui importait était de définir le lieu du désordre [2], la nature du préjudice (collectif ou personnel), et la personne contre qui était exercée l’action [3].

Désormais il s’agirait plus simplement de savoir, du moins lorsque l’action est exercée contre un tiers, si l’action relève ou non de l’objet du syndicat des copropriétaires. Cette approche est conforme à la lettre de l’article 14 de la loi de 1965. Le cas échéant, l’action relèverait uniquement des pouvoirs du syndicat, représenté par son syndic, et non plus de ceux, individuels, des copropriétaires. La solution mérite approbation : elle est fonctionnelle et répond à l’organisation collective et personnifiée des copropriétaires. Elle finalise ainsi la neutralisation, partielle jusqu’à présent, du « droit de propriété individuel » des copropriétaires au profit de la plénitude de la représentation collective [4]

Cette solution avait pu être vivement soutenue, pour mettre fin à l’actuelle jurisprudence. Celle-ci était parfois jugée casuistique et confuse, privant partiellement d’intérêt de la représentation collective des copropriétaires par le syndicat [5]. Il avait ainsi pu être soutenu que:

« Le syndicat devrait (…) être seul titulaire de la capacité à agir et de l’intérêt à agir pour défendre les intérêts collectifs de ses membres. » (Ibid).

Nous ne pouvons donc que nous féliciter de constater l’évolution en ce sens de la jurisprudence !

Conclusions

Au regard de cette solution, il était donc logique que le pourvoi soit rejeté. La Cour d’appel n’avait pas eu besoin de procéder à des recherches que ses constations rendaient inopérantes. Elle avait bien constaté que la demande consistait à réclamer les sommes visant à réparer les désordres constructifs affectant les parties communes, et non à indemniser le préjudice des copropriétaires résultant de ceux-ci. Le syndicat avait donc seule qualité à agir, conformément à son objet social.

En cas d’inertie du syndicat, comme c’était le cas ici, rien n’interdisait cependant aux copropriétaires de solliciter la condamnation des entreprises à l’indemnisation d’un préjudice strictement personnel. Celui-ci pouvant être le remboursement du montant de la quote-part de charges qui sera nécessaire au financement des travaux… Le cas échéant, la réparation aurait alors bien été celle du préjudice individuel subi (coût individuel des désordres), non celui de la collectivité (paiement des travaux de remises en état des parties communes).

Sources :

  • Arrêt commenté : Cass. 3e civ., 8 juin 2023, n° 21-15.692
  • [1] CA Rennes, 4e ch., 25 février 2021, n° 18/04591
  • [2] Parties communes ou privatives ; V° not. Cass. 3e civ., 18 déc. 2001, n° 00-17.871 ; v° notes sous art. 15, Code de la copropriété, LexisNexis
  • [3] Popropriétaire ou tiers ; V° not. Cass. 3e civ., 22 sept. 2004, n° 03-12.06
  • [4] Ch. Atias, « Le sort réservé à l’intérêt individuel du copropriétaire », Ann. Loyers 2012, 1034, spéc. 1036
  • [5] P.-E. Lagraulet, Le syndic de copropriété, Thèse, Paris 2, 2018, § 296