Les frais nécessaires
La Cour d’appel d’Aix-en-Provence s’est une nouvelle fois prononcée sur les frais nécessaires, au sens de l’article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965. La juridiction d’appel, par son raisonnement, rappelle avec précision les principes gouvernant ces frais et leur imputation au copropriétaire défaillant.
Cas d’espèce
En l’espèce, le syndicat des copropriétaires avait saisi le tribunal judiciaire afin d’obtenir la condamnation d’un copropriétaire au paiement de la somme de 5 566,92 €. Il semble que le syndicat n’avait pas opéré de distinction entre les charges dues et les frais exposés pour leur recouvrement. Or, cette absence de ventilation a conduit le tribunal à limiter sa condamnation à 373,54 € au titre des charges et 500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
Estimant que cette appréciation était erronée, le syndicat des copropriétaires a interjeté appel. La Cour d’appel a alors rappelé la nécessité, pour le syndicat, de distinguer précisément les sommes réclamées au titre des charges et celles relatives aux frais, afin de faciliter le contrôle du juge. À cet égard, certaines juridictions exigent même la présentation d’un tableau récapitulatif détaillant ces montants ; c’est notamment le cas de la juridiction parisienne.
La Cour d’appel a donc procédé à cette distinction et a établi que sur les 7 303,02 € réclamés, 5 106,56 € correspondaient aux charges de copropriété et 2 196,46 € aux frais engagés pour leur recouvrement ; on remarquera la disproportion entre ces montants, non que les coûts ne soient pas réels et justifiées, mais parce que le système est inadapté : l’injonction de payer devrait être une solution envisagée beaucoup plus systématiquement afin de les abaisser et permettre un recouvrement moins couteux, tant pour le syndicat que son débiteur.
S’agissant des charges, la Cour a validé leur montant, celles-ci ayant été justifiées par les pièces produites. En revanche, elle n’a pas retenu l’intégralité des frais réclamés, ce qui est en pratique le plus souvent le cas.
Observations
Pourtant, l’article 10-1 de la loi de 1965 prévoit une imputation individuelle des frais nécessaires engagés pour recouvrer la créance du syndicat. Reste que ces frais doivent être strictement nécessaires au recouvrement. Cette disposition énumère ceux qui sont « notamment »mis à la charge du débiteur :
les frais de mise en demeure, de relance et de prise d’hypothèque à compter de la mise en demeure, pour le recouvrement d’une créance justifiée à l’encontre d’un copropriétaire ainsi que les droits et émoluments des actes des huissiers de justice et le droit de recouvrement ou d’encaissement à la charge du débiteur
En complément, le contrat-type de syndic prévoit qu’il peut percevoir une rémunération u titre du recouvrement des charges. Celle-ci est également imputée au compte individuel du débiteur. Ce mécanisme s’analyse comme étant une subrogation légale. C’est-à-dire que le syndicat est débiteur des honoraires, mais l’imputation se fait sur le compte individuel du copropriétaire. Cet élément est peu souvent rappelé en pratique. Pourtant le contrat-type est de nature règlementaire, ce qui doit conduire le juge à le prendre en considération.
Dès lors, il est logique que le syndicat sollicite, au titre des frais, le paiement de l’ensemble des honoraires du syndic liés aux démarches de recouvrement. Du moins, lorsqu’ils sont justifiés en application du contrat. Cela peut supposer de justifier du caractère « exceptionnelle » de certaines diligences…
Toutefois, il est fréquent que le juge décide de réduire ou d’exclure certains frais. Pourtant le texte de l’article 10-1 est aussi clair qu’impératif. Les frais nécessaires « sont imputables ». Il n’y a dès lors pas de dérogation possible. Et le juge, nous semble-t-il, ne peut les arbitrer s’ils sont « nécessaires ». Reste sur ce point l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation. C’est ce qui le conduit le plus souvent à écarter les frais du commissaire de justice au titre de la sommation / commandement de payer.
En effet, si cet acte peut avoir un effet comminatoire, il ne produit pas en droit plus d’effet qu’une mise en demeure. C’est pourquoi ces frais sont le plus souvent écartés par le juge. Ils ne sont pas « nécessaires » au recouvrement. C’est ainsi le syndicat qui en assumera, in fine, la charge. Cela peut paraître injuste mais il semble que ce soit l’application exacte du texte. Cette application n’est toutefois pas toujours systématisée, certaines juridictions acceptant de prendre en considération ces frais…
Conclusions
En ce sens, cette décision illustre la vigilance des juridictions quant à l’imputation des frais de recouvrement aux copropriétaires débiteurs. Elle rappelle surtout l’importance d’une argumentation rigoureuse pour justifier des frais. C’est aussi vrai pour les « frais nécessaires », que pour « frais de justice » ou encore des « dépens ».
- Source commentée : Cour d’Appel d’Aix-en-Provence, 2 Octobre 2024, n° 23/09449
- A rapprocher de : Cass. 3e civ., 18 déc. 2012, n° 11-25.923 ; Cass. 3e civ., 27 sept. 2006, n° 05-15.048 ; Cass. 3e civ., 9 nov. 2022, n° 21-20.516
- Pour aller plus loin :
- J.-M. Roux, Les charges de copropriété, Edilaix
- Commentaires sous l’article 10-1 au Code de la copropriété, LexisNexis
- D. Rodrigues, Les frais nécessaires : Inf. rap. copr. avr. 2022, p. 20