Nullité du mandat de syndic et désignation d’un administrateur provisoire

Nullité du mandat de syndic et désignation d’un administrateur provisoire

Distinction de situations semblables

Par une récente décision, le Tribunal judiciaire de Bordeaux a pu éclairer la procédure de désignation d’un administrateur provisoire prévue par l’article 47 du Décret du 17 mars 1967. Le tribunal bordelais a pu rappeler les distinctions entre plusieurs procédures souvent confondues avec celle-ci.

En l’espèce, le litige concernait l’annulation d’une assemblée générale qui avait décidé les modalités d’une scission de la copropriété et approuvé le contrat de syndic. Il était notamment reproché au syndic de ne pas avoir repris dans le procès-verbal les résultats des votes.

Faisant valoir que l’annulation du procès-verbal emporterait de facto celle du mandat de syndic, le copropriétaire-demandeur a sollicité la désignation d’un administrateur ad hoc sur le fondement de l’article 18 V de la loi du 10 juillet 1965. Mais cette disposition n’est applicable qu’en cas de carence du syndic.

Soulevant l’erreur de fondement des demandeurs, la juridiction bordelaise a rappelé que lorsque la désignation du syndic est annulée par décision de justice, la copropriété doit être considérée comme dépourvue de syndic au sens de l’article 47 du décret du 17 mars 1967. Or, cette situation diffère de celle de la carence du syndic régie par l’article 18 V de la loi précitée dont les demandeurs invoquaient l’application.

En effet, la carence renvoie à la situation où le syndic, bien que désigné, n’assume plus ses fonctions, situation qui se distingue elle-même de l’empêchement, renvoyant à la situation dans laquelle, le syndic, toujours désigné, n’est plus en capacité d’assurer ses fonctions.

L’erreur de fondement n’a pourtant pas empêché la désignation d’un administrateur provisoire (et non ad hoc) par le Tribunal judiciaire de Bordeaux.

Office du juge

Pour y parvenir, la juridiction bordelaise a procédé par substitution de fondement juridique. Ce faisant elle a sauvé la demande (maladroite) du copropriétaire, et n’a pas laissé le syndicat sans représentation. En effet, à la différence de la demande formulée, c’est un administrateur provisoire qui a été désigné et non un administrateur ad hoc.

C’est ainsi que cette décision rappelle le périmètre de l’office du juge. Cela peut surprendre car, de prime abord, l’article 47 du Décret de 1967 ne reconnait pas au juge la faculté de désigner d’office un administrateur provisoire. Ainsi, cette solution pourrait paraître contra legem en ce qu’elle aboutit à une substitution de motifs. Néanmoins, la juridiction bordelaise a fait usage des pouvoirs qui lui sont reconnus par l’article 12 du Cpciv.. Cette disposition permet au juge de :

« donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux ».

Par voie de conséquence, elle lui permet de relever un moyen de droit nouveau.

Il est également admis que le juge puisse :

« relever d’office les moyens de pur droit quel que soit le fondement juridique invoqué par les parties »[1].

La jurisprudence de la Cour de cassation est constante en cela. En effet, l’article 12 du Cpciv. lui impose de trancher le litige :

« conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ».

Le même article permet à la juridiction, lorsque les parties n’ont rien prévu, de modifier les fondements juridiques retenus.

Précisément, en l’espèce, le juge relève l’erreur de qualification des demandeurs concernant le statut du syndic. Il constate ensuite l’existence d’une situation d’absence, et non de carence, du syndic. Ce faisant, il redonne une exacte qualification aux faits. Ce n’est qu’ensuite que le juge a pu retenir un fondement juridique différent de celui ayant initialement motivé la demande de désignation d’un administrateur. La décision mérite en cela d’être approuvée, pour le tout.

  • Source commentée – en version PDF :

Tribunal judiciaire de Bordeaux – 1ère CHAMBRE CIVILE – 30 mai 2024 – n° 23/06831

  • A rapprocher de :

CA Paris 23ème ch. B, 17 mai 1996 : D.1997, somm p16

  • Pour aller plus loin :

P.-E. Lagraulet, « Administrateur ad hoc en copropriété : nouveau nom, nouveau problème », Dalloz actu, 28 sept. 2020

V° sur le sujet de la carence du syndic de copropriété : P.-E. Lagraulet, Le syndic de copropriété, Edilaix, 2021, p. 390 et s.

[1] Cour de Cassation, Chambre civile 1, du 16 avril 1991, 88-18.530, Publié au bulletin