L’obligation de délivrance se distingue de l’obligation de réaliser des travaux

L’obligation de délivrance du bailleur ne se confond pas avec celle de réaliser des travaux

Droit des baux commerciaux et professionnelsL’une des obligations fondamentales du bailleur est de délivrer à son locataire un local conforme à l’activité prévue par le contrat de bail commercial. Cette obligation dite de délivrance ne s’entend pas de la simple remise de la chose louée. Elle oblige le bailleur à remettre au locataire une chose lui permettant d’exercer l’activité conventionnellement prévue. Cette obligation ne s’exécute pas seulement lors de la formation du contrat. Elle doit au contraire l’être tout au long de l’exécution du contrat. Il importe en ce sens peu que le locataire prenne en « état » un local. Et la clause n’obligeant le bailleur qu’à la réparation des vétustés est tout aussi indifférente.

La Cour de cassation vient de le rappeler dans un arrêt du 10 septembre 2020, rendu au visa de l’article 1719 du Code civil : 

5. Selon ce texte, le bailleur est obligé, par la nature du contrat et sans qu’il soit besoin d’une stipulation particulière de délivrer au preneur la chose louée et d’entretenir cette chose en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée.
6. Pour rejeter l’exception d’inexécution invoquée par la locataire et constater la résiliation du bail par l’effet de la clause résolutoire, après avoir relevé qu’un organisme avait procédé, (…), à des prélèvements et à des mesures de teneur en amiante mentionnant des concentrations de 150 fibres d’amiante par litre d’air, de 140,8 fibres d’amiante par litre d’air et de 116,60 fibres d’amiante par litre d’air dans trois zones du local alors que le seuil sanitaire a été fixé à 5 fibres d’amiante par litre d’air par l’article R. 1334-29 du code de la santé publique, l’arrêt retient que cette disposition, tout comme celles des articles R. 1334-14 et suivants, issues du décret du 3 juin 2011, donc postérieures à la conclusion du bail du 28 mars 2010 et dont, en outre, la majeure partie sont entrées en vigueur le 1er février 2012, ne peuvent être invoquées pour fonder un manquement du bailleur à l’obligation de délivrance.
7. En statuant ainsi en appréciant la conformité du local à la réglementation seulement à la date de la conclusion du bail alors qu’il incombe au bailleur de délivrer un local conforme à sa destination contractuelle tout au long de l’exécution du contrat, la cour d’appel a violé les textes susvisés.

Des travaux de sécurité indispensables au locataire pour exercer son activité étaient en l’espèce nécessaires. En conséquence, la clause limitant l’obligation du bailleur aux réparations résultant de la vétusté ne pouvait s’appliquer ; la réalisation des travaux participait à l’exécution de l’obligation de délivrance. La Cour d’appel de Grenoble ne pouvait donc exonérer le bailleur de son obligation.

La solution rappelle ainsi la nécessité de parfaitement distinguer obligation de réaliser de simples travaux et obligation de délivrance !

Pour aller plus loin : Loyers et Copropriété n° 9, Septembre 2021, comm. 136, obs. E. C.