Sous-location irrégulière, fruits civils et prescription

Sous-location irrégulière, fruits civils et prescription de l’action : avantage au propriétaire-bailleur.

Avec l’essor de la location temporaire et des plateformes de type « Airbnb », un nouveau contentieux s’est développé. Les bailleurs font face, depuis plusieurs années, à la mise en location irrégulière du logement qu’ils consentent à bail à leur propre locataire. Cette pratique est une violation de la loi du 6 juillet 1989 et du contrat – lequel stipule le plus souvent, avec fermeté, cette interdiction.

L’arrêt rendu par la cour d’appel de Paris, ce 23 novembre 2023, rappelle opportunément certaines règles régissant l’action en responsabilité du bailleur, à l’encontre de son locataire.

1ère instance : validation du congé mais rejet des demandes indemnitaires

En l’espèce, une indivision bailleresse consent un appartement à bail d’habitation principale à ses locataires (L. 6 juill. 1989). Informé par le voisinage et par la présence d’annonces internet que le bien était proposé à la sous-location, le bailleur notifie à ses locataires un congé pour motif légitime et sérieux. Se maintenant dans les lieux, le bailleur assigne son locataire en validation du congé et formule plusieurs demandes indemnitaires. En première instance, le juge parisien valide le congé et prononce l’expulsion des locataires. En revanche, la juridiction rejette la demande de restitution des fruits civils.

L’indivision bailleresse relevait appel de la décision et sollicitait le versement d’une somme supérieure à 20 000 euros au titre des fruits civils. Les fruits civils sont les sous-loyers d’une sous-location irrégulière, qui reviennent au bailleur par accession. Selon une jurisprudence désormais constante, ils doivent être restitués au bailleur qui n’a pas autorisé la sous-location.

Appel : réforme du jugement et restitution des fruits civils 

Pour les intimés, l’action de l’indivision était partiellement prescrite, car soumise à la prescription triennale de l’article 7-1 de la loi du 6 juillet 1989. La Cour d’appel rejetait l’argument, au motif que l’action en restitution n’est pas une action soumise à la prescription triennale. En effet, elle ne dérive pas du bail, mais uniquement du droit de propriété du bailleur. L’action est donc soumise à la prescription quinquennale de l’article 2224 du Code civil. Son point de départ prenait naissance au jour où son titulaire a connu ou aurait dû connaitre les faits idoines.

L’action de l’indivision bailleresse n’était pas prescrite.

Ainsi, pour condamner les locataires à régler la somme de 20 705,56 euros, la juridiction cumulait les sommes perçues des plateformes de mise en sous-location.

Dans ce type de contentieux, rapporter la preuve du quantum de la sous-location irrégulière est absolument indispensable. A défaut, le juge pourrait rejeter sa demande indemnitaire, en dépit de la preuve du principe de la sous-location. Cette preuve est rapportée de diverses manières. Avant l’instance, tout d’abord, par la désignation d’un Commissaire de justice sur requête. Pendant l’instance, ensuite, par le fait d’enjoindre une partie à communiquer certaines pièces.

Source : CA Paris, Pôle 4, ch. 3, 23 nov. 2023, n°20/11313.