Trouble locatif et responsabilité du bailleur : pas d’obstacle du locataire à l’intervention du bailleur, sans mise en demeure préalable
Il arrive parfois qu’après la plainte d’un locataire, celui-ci fasse obstacle au bailleur pour régler le problème. La situation est fréquente, et l’enjeu est cardinal pour les parties. Particulièrement, pour le bailleur qui ne pourra en tirer partie qu’à condition d’en apporter la preuve.
En effet, lorsqu’un locataire notifie à son bailleur des désordres dans les lieux loués, ce dernier engage sa responsabilité selon la gravité des troubles. Cette gravité va du simple trouble d’agrément à l’inhabitabilité. Ainsi, la conséquence va du trouble de jouissance au défaut de délivrance d’un logement décent.
En droit, la question est double :
1/ si le locataire ne notifie pas le trouble, le bailleur ne peut être responsable. Comment en effet reprocher à un bailleur des troubles dont il n’a pas été informé ?
2/ si le locataire notifie le trouble, le bailleur devra intervenir. Le cas échéant, il doit faire intervenir un prestataire/professionnel pour supprimer la cause et ainsi, le trouble.
L’espèce commentée fait état de la situation suivante : le bailleur considère qu’il ne peut être tenu responsable, car le locataire aurait fait obstacle à son intervention, elle-même mise en œuvre à la suite de la notification du trouble par le locataire.
En droit, le locataire qui fait obstacle à l’intervention du bailleur, permet à celui-ci, dans certaines circonstances, d’être exonéré partiellement ou totalement de sa responsabilité, en dépit de l’existence avérée du trouble.
Au cas d’espèce, le bailleur verse à la procédure plusieurs SMS qu’il a pu échanger avec le locataire :« aux termes desquels il informe ses locataires du passage d’un plaquiste et d’un maçon », ce à quoi il lui a été répondu que « compte tenu de l’humidité affectant le logement, de simples travaux de dépannage […], ne seraient pas de nature à y remédier ».
Le locataire lui a, enfin, demandé de NE PLUS INTERVENIR dans l’attente de nouvelles de son avocat. Cette demande paraissait être indubitablement un obstacle à l’intervention du bailleur.
Pourtant, la cour aixoise n’est pas de cet avis, reprochant au bailleur de ne pas rapporter la preuve qu’il a effectivement mis en demeure son locataire de laisser ses intervenants pénétrer dans les lieux. Il ne peut donc prétendre à aucune exonération – serait-ce partielle – de responsabilité.
Préconisations
Bailleurs, ne vous limiter pas à des échanges informels, dans une telle situation. Émettez des courriers recommandés valant mises en demeure. Et selon l’enjeu – ou plutôt le risque auquel vous vous exposez – puisque les courriers recommandés ne sont pleinement efficaces qu’à leur réception effective, n’hésitez pas à mandater un huissier/commissaire de justice, qui remettra votre courrier à votre locataire.
Source commentée : CA Aix-en-Provence (réf.), ch. 1-2, 8 sept. 2022, n° 21/06559
Pierre de Plater, Avocat au Barreau de Paris.